LE JOUR DE 'ARAFAT

 

Crédit photo : piccmi.com

Nous sommes dans le mois sacré de Dhou Hijja, et plus précisément dans les 10 premiers jours de ce mois qui sont les jours les plus aimés d’Allah. (voir notre article : Le mois de Dhoul Hijja ne sera plus jamais le même) Et parmi ces jours, il y a certainement le plus grand de tous : le jour de ‘Arafat. Une sœur qui a accomplit le hajj l’année dernière nous fait le plaisir de partager avec nous son expérience de ce jour exceptionnel pour le musulman, qu’il soit pèlerin ou non. Voyage au cœur du hajj… c’est parti ))

 

As salamou alaykoum wa rahmatoullahi wa barakatouh,

Allah m’a accordé l’immense honneur d’accomplir le hajj l’année dernière, avant mes 30 ans wal-hamdoulilah. J’ai effectué ce qu’on appelle un court séjour (2 semaines) en compagnie de mon mari. Une fois encore al-hamdoulilah ! C’est vraiment le voyage le plus merveilleux que l’on puisse accomplir en couple, et Allah nous a comblé de Ses bienfaits en nous permettant de nous rendre sur cette terre bénie. J’aurais pu envoyé un témoignage pour raconter tout mon voyage en détail, mais il y a tellement de choses à dire que j’ai préféré raconter cette journée, qui est sans aucun doute la plus grandiose du hajj et peut-être de ma vie entière, tellement elle est intense spirituellement.

Il s’agit du jour  de Arafat. Lorsque l’on n’est pas au hajj, on a du mal à se rendre compte de la valeur de ce jour, mais soubhanallah lorsque l’on est sur place, au milieu de ces millions de pèlerins, on comprend pourquoi le Prophète (salallahou alayhi wa salam) a dit : « Le pèlerinage, c’est la station à Arafat. »  (Rapporté par l’imam Tirmidhi). 

Par Allah, il n’y a rien de plus grand que ce jour ! Voici comment cette journée s’est déroulée pour moi.

Après notre première nuit passée dans les tentes à Mina, et après avoir effectué salat al fajr, l’imam de notre agence fait un rappel sur l’importance absolue de ce jour et nous explique son déroulement. Je ressens comme une pression, la sensation que je m’apprête à vivre une expérience extraordinaire, et la crainte de ne pas être à la hauteur.

Après avoir pris un petit déjeuner, nous prenons le bus qui nous emmène à notre campement à Arafat dans la matinée . Exceptionnellement, les femmes et les hommes sont séparés durant le trajet (habituellement tous les voyages en bus sont mixtes afin que les femmes soient accompagnées de leur mahram). Le trajet dure environ 30 minutes. Notre guide en profite pour nous faire un rappel extrêmement touchant sur la nécessité de se réformer. Il nous rappelle également notre rôle en tant qu’épouse, en insistant sur le fait que notre comportement avec notre époux peut nous conduire au Paradis ou en Enfer. Son discours me bouleverse, je suis en pleurs… Je suis en pleine remise en question et je me rends compte à quel point je peux être injuste parfois, à quel point nos sahabiyates avaient un comportement exemplaire, et à quel point nous sommes loin de leur arriver ne serait-ce qu’à la cheville…

Après ce premier moment intense de la journée, nous arrivons à notre campement. Notre agence a mis des tentes climatisées à notre disposition pour cette journée. C’est un grand luxe, quand on sait que la très grande majorité des pèlerins passeront la journée entière en plein soleil (il fait environ 45 °) ou au mieux sous une tente non climatisée !

Quand on voit les images du jour de Arafat sur Internet, on a tendance à croire que tous les pèlerins sont réunis sur le mont Arafat et au pied du mont. Mais en fait la zone de Arafat est immense ! Tellement immense que pour ma part je n’aurai même pas l’occasion de voir le mont Arafat. Il est à environ 15 minutes de marche, mais l’imam nous conseillera plus tard dans la matinée de ne pas perdre de temps et d’énergie à marcher jusque là-bas en plein soleil et de profiter plutôt de chaque minute pour invoquer Allah en restant tranquillement au frais dans notre tente.

C’est la fin de matinée, nous sommes dans l’attente de la prière de dhohr. Je me repose un peu en attendant la salat, car il n’est pas question de dormir cet après-midi pendant le temps destiné à l’invocation. Ce moment est tellement grandiose, je m’en voudrais toute ma vie si je ratais ça ! Il y a ce hadith du Prophète Salla Allahou Alaihi wa Sallam qui dit :

« Il n’est pas de meilleur jour aux yeux d’Allah, Exalté soit-Il, que celui de Arafat. Allah, Exalté soit-Il, descend jusqu’au Ciel le plus bas, vante les mérites, auprès des Anges, des pèlerins rassemblés à Arafat, et leur dit : ‹Regardez Mes serviteurs, ils sont venus vers Moi ébouriffés, couverts de poussière et exposés au soleil. Ils ont afflué de partout, désirant Ma miséricorde, sans voir Mon châtiment›. Ainsi, il n’est pas de jour où Allah, Exalté soit-Il, affranchit autant de Ses créatures du feu de l’Enfer que le jour de Arafat ». (Ibn Khozaymah, Ibn Hibbaan, Al-Bazzaar, Abou Ya’la et Al-Bayhaqi :Marfouu).

Soubhanallah ! Je médite sur  ces paroles  en me disant qu’après la prière du dhor, Allah sera là, tout proche de nous et vantera nos mérites auprès des anges ! Je me rends compte du privilège qu’Allah m’a accordé en me permettant d’être présente, ici, en ce jour immense. Et en même temps j’ai peur de ne pas être à la hauteur …

J’ai oublié de préciser que nous sommes également séparés dans les tentes. Nous avons 2 grandes tentes, l’une réservée aux hommes et l’autre aux femmes. Je trouve que c’est un bienfait. Cette journée, elle est entre Allah et moi, et personne d’autre. C’est un moment unique et intime pendant lequel je veux me sentir au plus près de mon Seigneur, sans être distraite. J’ai conscience que nous sommes des millions à être réunis en ce moment, en un même lieu et dans un même but, mais comme au jour du jugement, nous sommes tous seuls face à Allah, face à nos œuvres et nos pêchés.

Ça y est nous y sommes, c’est l’heure ! J’ai la boule au ventre et la bouche sèche comme si j’allais passé le plus grand examen de ma vie. L’imam fait un sermon extrêmement intense sur la nécessité absolue en ce jour d’invoquer Allah pour nous-même, pour nos proches, pour la oummah mais surtout pour qu’Il (soubhanahou wa ta’ala) nous accorde le Paradis.  Il nous exhorte à ouvrir notre cœur, à être sincère, à pleurer pour notre Créateur et à nous humilier devant Lui. Il nous demande également de redoubler d’efforts, de lutter contre la fatigue et le sommeil, et de profiter de chaque instant passé dans cet endroit pour demander le pardon de nos pêchés. Une fois de plus, je pleure… Je pleure de joie d’être ici, et je pleure de crainte envers mon Seigneur.

Ensuite nous prions salat adh-dhor et salat al-asr regroupées et raccourcies comme il convient de le faire selon la sounnah. Désormais je me mets dans ma bulle, je suis seule devant Allah. C’est parti pour environ 5 heures d’invocation jusqu’à l’heure de Maghreb.

Quand on y réfléchit, on se dit que 5 heures ce n’est rien, et que cela ne demande pas beaucoup d’efforts. Et pourtant très vite, je me rends compte de la difficulté d’être sincère, de se concentrer, d’invoquer Allah avec un cœur dévoué, et de prendre conscience de la proximité exceptionnelle du Tout-Puissant durant cet instant. Les invocations se succèdent, mais je me sens limitée par mon manque de connaissances pour réussir à exprimer tout ce que j’ai sur le cœur, pour trouver les mots justes afin de demander à Allah comme Il aime qu’on Lui demande.

J’alterne entre mes propres invocations et les invocations répertoriées dans mon précieux petit livre qui m’accompagne tout au long de ce voyage. Ces invocations sont celles du Prophète, autant dire qu’il n’y a pas de meilleures invocations que celles-ci. Elles expriment tant de choses en seulement quelques lignes !

Je me concentre autant que je peux, j’essaie de faire abstraction de ce qu’il se passe autour de moi et j’invoque comme je n’ai jamais invoqué. Parfois je marque une petite pause et regarde autour de moi. Je médite sur nous, les êtres humains, sur nos faiblesses et notre ingratitude envers Allah. Rares sont les femmes qui tiendront l’après-midi complète. Certaines s’endormiront, d’autres se laisseront aller à des discussions.  Tout cela me fait réfléchir à mes propres manquements. Lorsque j’invoque Allah dans mes prières, suis-je vraiment sincère ?  Qu’en est-il de mes actions au quotidien, sont-elles faites parce qu’elles sont devenues une routine ? Que fais-je vraiment pour montrer à Allah à quel point je L’aime ? Je me sens si petite, et si médiocre en ce jour. Et en même temps je me sens envahie d’un amour et d’un espoir que je n’ai jamais ressentit auparavant.

Il est bientôt l’heure de Maghreb, l’imam nous encourage une dernière fois à saisir chaque minute et chaque seconde pour vivre pleinement ce moment.

Allah est peut-être en train de me pardonner mes pêchés et de m’absoudre de l’Enfer. Moi, sa pauvre servante, pleine de défauts et de manquements. Serai-je à la hauteur de ce jour qu’il m’a été accordé de vivre ?

C’est déjà l’heure de Maghreb, je me sens comme vidée. J’ai pleuré toutes les larmes de mon corps durant ces quelques heures, j’ai demandé pardon, j’ai aimé Allah et je l’ai craint comme je ne l’avais jamais fait auparavant. J’ai découvert ce qu’était réellement que de sentir Sa présence.

Ya Allah, agrée mes œuvres en ce jour, pardonne-moi et fais que je te sois reconnaissante pour tous les bienfaits dont tu m’as comblé.

Il est temps de rejoindre mon mari. Il est là, dans son habit d’ihram parmi ces millions d’autres hommes ayant « afflué de partout, fatigués, ébouriffés, poussiéreux ne désirant que la Miséricorde d’Allah « . J’ai du mal à réaliser que j’ai vécu ce jour … qu’Allah nous a accordé cette immense faveur.

Un an après, je me souviens de chaque instant, je revois toutes ces images qui défilent, et mes larmes coulent en y repensant.

Une chose est certaine le jour de Arafat ne sera plus jamais le même. J’ai pris conscience de sa valeur et je souhaite à tous les musulmans de pouvoir vivre ce moment ne serait-ce qu’une fois dans leur vie.

J’aimerais aussi dire aux personnes qui liront mon témoignage que la grandeur du jour d’Arafat n’est pas réservée qu’aux pèlerins. Même si votre tour n’est pas encore venu d’aller au hajj, vous pouvez vous aussi faire de ce jour un jour grandiose, en jeûnant pour espérer le pardon de vos pêchés pour l’année précédente et celle qui vient, en faisant du dhikr, en priant et en invoquant abondamment Allah.

jeûne de 'arafat

 

Quant à ceux qui s’apprêtent à accomplir le hajj : profitez de chaque instant que vous allez vivre, détachez-vous de cette dounya qui tue notre spiritualité au quotidien et ouvrez grand votre cœur à Celui qui connaît le contenu des poitrines.

 


A toutes les sœurs qui préparent leur voyage à La Mecque cette année, que ce soit pour un hajj ou une omra, on vous a préparé une petite liste à imprimer pour ne rien oublier dans vos bagages !

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