Contes algériens*, c’est le nom de cette nouvelle série. Étant donné l’honneur que vous lui avez donné, nous revenons aussitôt avec un nouveau. Conseils en poésie, astuces en rimes me revoilà! Je vous présente cette fois-ci l’histoire d’un lion qui faisait bon ménage avec trois jeunes taureaux, sur le même territoire. Un marron, un blanc et noir. Voici ce qui leur est arrivé :

Le lion et trois taureaux

Dans une belle prairie, loin, très loin de la forêt peuplée, vivait un lion et trois jeunes taureaux encore innocents. Chacun avait sa place et tous ensemble avaient pris pour habitude de partager les proies faciles que maître lion chassait. Les jeunes taureaux, un marron, un blanc et un noir, ne demandaient jamais d’où elles provenaient. Avec le lion, sourire aux lèvres, il partageaient ce qu’ils croyaient leur parvenir du destin et du Tout-Puissant.

Le lion, lui, agacé de ne plus être installé en maître dans la prairie qu’il avait choisie pour ses nombreux bienfaits, voulut se débarrasser des seuls taureaux encore restant.

Désormais déserte, la prairie ne lui apportait plus assez de vivre et le lion encore dans la fleur de l’âge n’en pouvait plus de faire semblant de cohabiter. Faire mine d’être sage n’était plus de son goût. Il avait de plus en plus faim. Il ne pensait qu’à manger.

Un colin-maillard pour un repas

Un jour, le lion, se tenant pour fort rusé voulut donner envie aux taureaux de s’amuser. Il se mit à tourner en rond et fit penser qu’il s’ennuyait. Voyant le lion se morfondre, les jeunes taureaux n’eurent pas de mal à accepter, avec lui, de jouer. Ils lui laissèrent même la responsabilité du jeu à trouver.

Nous allons jouer à colin-maillard, mes amis. Et celui qui perd ira nous trouver à manger, fit le lion qui retrouvait la joie de vivre.

A ces mots, les jeunes taureaux partirent se cacher chacun de leur côté, laissant leur frère marron se faire bander les yeux par le lion.

Connaissant la prairie mieux que personne le lion retrouva le taureau blanc et lui demanda de se cacher avec lui. Son sourire s’en était allé. Il paraissait plus triste qu’il ne l’avait jamais été. Le taureau blanc voulut savoir les raisons de sa tristesse et laissa le lion se confier. Maître lion en profita pour lui raconter que le taureau marron pendant qu’il lui bandait les yeux n’avait eu de cesse de se plaindre. De lui et de son frère, le taureau noir, il avait bien mal parlé. Il lui raconta que les pires horreurs se disaient sur lui et les mit sur le dos du colin-menteur.

Tromperie et culpabilité

N’en pouvant plus d’entendre toutes ces injures rapportées par le lion, qui pleurait la sagesse animale, le taureau voulut trouver une solution. Le lion, rapide comme l’éclair, la lui donna :

Je vais t’en débarrasser. Le manger est la seule finalité pour les traîtres menteurs. J’en ai connu des pires que lui et dans mon ventre ils se sentent bien meilleur.

Le jeu s’était fini sur une sauvage fin sanglante. Le taureau noir ne retrouvait plus son frère marron et le blanc, de son âme qui culpabilisait ou du lion fier, ne savait plus qui croire.

Les jours passèrent et la joie avait retrouver le chemin du coeur des deux taureaux encore vivants. Leur frère leur manquait, certes, mais une fragile paix de l’âme avait voilé leur conscience.

Un jour, le lion alla rendre visite au jeune taureau blanc. A première vue, ce dernier se méfia et n’écouta pas trop ce que le lion avait à dire.

L’ego comme miroir, un piège facile pour tout flatteur

Le lion s’installa près du taureau blanc et commença à lui rappeler les jours heureux. Le temps où jeunes et vieux n’avaient pas de rancune ni de défauts à se cacher. Il lui conta même les jours dont le taureau ne se souvenait pas. Les temps anciens où son papa et sa maman étaient encore là.

Je me souviens de toi, frêle à la naissance, blotti contre ta mère. Je trouvais ta couleur blanche unique, quand, je m’en souviens encore, se moquaient de toi tes pairs.

Le lion avait allumé une mèche. Il recula et attendit qu’elle prenne flamme sans rien rajouter.

Puis il lui raconta comment le lion marron et son frère noir avaient passé leur enfance à le faire souffrir. Le marron prétendait être le plus intelligent et son frère mettait en avant sa couleur noir couleur nuit.

Avez-vous deviné la suite ?

Le lion proposa vengeance avec sa solution et le taureau noir finit en collation. Les jours passèrent encore et encore. Et chacun retrouva ses habitudes.

Lorsque maître lion voulut se rapprocher du taureau blanc, le seul restant, ce dernier ne courut pas, ne bougea pas le moins du monde. Voyant la scène trop facile, le lion se posa des questions auxquelles le taureau répondit de but en blanc :

A vrai dire, je suis déjà mangé depuis longtemps. Depuis le jour où je t’ai laissé manger mon ami, le taureau marron. Vas-y et fais vite !

Voyez comment vous interprétez cette morale et ce conte populaire de tradition algérienne berbère. Et dites-nous ce que vous en pensez.

Et vous, l’aviez-vous déjà entendue ou racontée dans une autre version ?

* Ces contes algériens sont des versions imaginaires protégées par le droit d’auteur. Merci de ne pas les reproduire ou copier sans l’avis du site et de l’auteure.